Les nationalistes sur la voie d'une victoire historique en Irlande du Nord
Le Sinn Fein aux portes d'une victoire historique: les premiers résultats du long dépouillement des bulletins de votes qui a repris samedi pour l'assemblée locale en Irlande du Nord donnent jusqu'ici une nette avance au parti nationaliste, un tournant à même de refaçonner le Royaume-Uni.
Alors que l'attente est de mise dans la province britannique marquée par des décennies d'instabilité, le verdict des urnes est tombé pour les élections locales dans le reste du Royaume-Uni. Le Parti conservateur du Premier ministre Boris Johnson essuie un sévère revers, miné par le "partygate" et l'envolée des prix, affaiblissant sa position à la tête du gouvernement.
En Irlande du Nord, où sont renouvelés les 90 élus de l'assemblée locale de Stormont, le décompte des voix interrompu dans la nuit a repris samedi.
Il donne jusqu'ici une nette avance au Sinn Fein, parti prônant la réunification avec l'Irlande, avec 18 des 47 sièges déclarés contre 12 pour son rival unioniste du DUP, favorable à la couronne britannique. Il en vise 28 pour revendiquer le poste de Premier ministre local.
- "Vrai changement" -
L'ex-vitrine politique de l'organisation paramilitaire Armée républicaine irlandaise (IRA) a déjà obtenu le plus de votes de première préférence (29% contre 21,3% pour le DUP), se hissant au rang de première formation nord-irlandaise.
Si cette avance se confirme en sièges, ce serait la première fois que ce parti arriverait en tête de l'Assemblée locale en cent ans d'histoire de la province britannique, sous tensions depuis le Brexit.
Réélue, la vice-présidente du Sinn Fein Michelle O'Neill a évoqué une "élection du vrai changement". Une victoire la propulserait au poste de cheffe du gouvernement local, qui doit être dirigé conjointement par nationalistes et unionistes en vertu de l'accord de paix de 1998.
Elle amorcerait une possible redéfinition du Royaume-Uni, même si la formation a relégué la revendication de réunification au second plan au profit des questions sociales et que les pourparlers pour la formation d'un gouvernement s'annoncent difficiles, avec un risque de paralysie politique.
Le DUP conditionne sa participation à un nouvel exécutif à "une action décisive" du gouvernement de Londres face aux contrôles douaniers post-Brexit menaçant selon eux la place de la province au sein du Royaume-Uni.
Le parti centriste Alliance, qui appelle les Nord-Irlandais à dépasser leurs divisions, est l'autre parti à sortir renforcé du scrutin.
- "Vrai plan d'action" -
Ailleurs dans le pays, le Parti conservateur de Boris Johnson accuse le coup après la perte de centaines de sièges et d'une dizaine de conseils au profit des travaillistes, qui ont symboliquement ravi à Londres trois bastions tories, et de plus petits partis, libéraux-démocrates et verts, qui progressent fortement surtout dans le Sud de l'Angleterre.
En Ecosse, le parti nationaliste SNP se renforce, suivi par les travaillistes qui ont ravi la deuxième place aux conservateurs. Le Labour reste premier au Pays de Galles.
Marqués traditionnellement par des enjeux très locaux et une faible participation, ces élections jaugeaient pour la première fois les effets du scandale des fêtes à Downing Street pendant les confinements, lesquelles ont valu une amende à Boris Johnson.
Au pouvoir depuis 12 ans, les conservateurs se voient aussi reprocher leur soutien insuffisant à des ménages étranglés par l'inflation, attendue à plus de 10% dans les mois qui viennent.
Concédant des "résultats mitigés", avec une situation "dure" pour les tories dans certains régions mais des gains dans d'autres, Boris Johnson s'est dit déterminé à rester au pouvoir pour s'occuper des problèmes des Britanniques.
Mais ces piètres résultats fragilisent le chef de gouvernement, poussant des députés conservateurs inquiets à l'approche des législatives de 2024 à s'interroger sur l'opportunité de continuer à le soutenir.
Pour convaincre, Boris Johnson devra offrir "un vrai plan d'action" mardi lors du traditionnel discours du trône permettant au gouvernement de dévoiler ses priorités devant le Parlement, estime Simon Usherwood, politologue de l'Open University interrogé par l'AFP.
Il s'agit de démontrer que "ce gouvernement semble maîtriser la situation face au coût de la vie ou de l'Ukraine", ajoute-t-il.
Si certains élus conservateurs contestent déjà Boris Johnson, ses partisans préfèrent y voir un trou d'air de mi-mandat plutôt que le début de la fin pour le dirigeant conservateur, qui est parvenu à limiter la casse dans les régions populaires du centre et du Nord de l'Angleterre.
"Nous sommes les plus forts quand nous sommes unis", a insisté le ministre de l'Education Nadhim Zahawi sur Sky News.
A.Atkinson--MC-UK